On entend souvent tout et n’importe quoi à propos de la voiture électrique : zéro émissions pour certains, encore plus émettrices de CO2 que la voiture thermique pour d’autres. Qu’en est-il exactement ? La voiture électrique est-elle écologique, et peut-on sauver le climat en passant à la voiture électrique ?
Découvrez la réponse tout en nuances dans cette vidéo, et surtout, découvrez une action simple à réaliser pour contribuer à son échelle à diminuer l’empreinte carbone des transports du quotidien.
J’ai aussi posé la question à Bertrand Olivier Ducreux, expert en mobilité de l’ADEME, dont vous pouvez retrouver l’interview intégrale dans cet article.
Floraine Cordier, Coach CO2 : On entend souvent que la voiture électrique oblige à extraire du lithium, avec des pollutions locales très importantes : est-ce qu’on peut vraiment considérer que le véhicule électrique est écologique ?
Bertrand Olivier Ducreux : si je grossis le trait je vais répondre que le seul véhicule propre c’est une paire de basket ou un vélo !
Aujourd’hui il est indéniable que de toute façon, la production d’un véhicule neuf quel qu’il soit, c’est un impact sur l’environnement, parce qu’il y a des matières premières, parce qu’on doit soit extraire, soit traiter, soit raffiner, soit recycler, donc on dépense de l’énergie et on émet des gaz à effet de serre.
L’enjeu effectivement des ressources minérales nécessaires à la fabrication de la batterie est évidemment en train de se substituer à l’extraction pétrolière pour le carburant.
La filière automobile industrielle à l’échelle mondiale a bien compris ça et elle a déjà engagé pas mal d’actions pour assainir les filières de production, notamment pour supprimer tous les enjeux sociaux et sociétaux (exploitation des enfants etc)
En revanche il est très clair que ces ressources minérales sont en train de devenir le prochain enjeu stratégique de production, notamment quand on parle -et on entend souvent le mot depuis le début de la crise Ukrainienne- de souveraineté et d’indépendance géopolitique.
Autant on peut ramener en France ou en Europe la fabrication des batteries, et c’est ce qui est en train de se faire avec de gros investissements industriels, de façon à réduire cette empreinte carbone de fabrication de la batterie par rapport aux situations d’aujourd’hui où les batteries sont majoritairement produites en Asie avec un mix électrique fortement carboné.
Autant l’extraction des matières premières, par définition, on ne peut pas la relocaliser. On trouve pas du cobalt partout sur terre de la même façon et les questions se posent sur le cobalt, le nickel, le manganèse.
Le lithium c’est un peu plus simple puisqu’on a déjà identifié un certain nombre de gisements sur le territoire national, mais oui il y a un enjeu important et un impact environnemental fort de ces filières là.
C’est un des arguments qui fait que le propos de l’ADEME c’est de dire : « choisissez un véhicule avec une petite batterie -enfin petite, 60 km c’est pas petit, d’ailleurs ! – une batterie raisonnable, puisque la capacité de la batterie va faire augmenter le besoin en matière première et donc le besoin d’extraction
C’est une des raisons pour lesquelles aussi on dit aussi : « posez-vous même la question de savoir si vous avez besoin d’une voiture ».
Il y a un chiffre qui est intéressant à rappeler dans notre relation à l’automobile en France : l’INSEE a publié ces derniers mois pas mal d’analyses sur ce qu’on appelle l’enquête ménage-déplacements, qui a été publié en 2019.
Plus de 40% des gens qui travaillent à moins d’un kilomètre de chez eux vont travailler en voiture !
Un kilomètre c’est 10 minutes de marche, et c’est plus de la moitié des gens qui habitent à moins de 2 km de leur bureau qui vont travailler en voiture plus de 50%.
Ce n’est pas une façon de contourner le débat sur les matières premières, au contraire, c’est une façon de le justifier et de dire : « le remplacement aveugle d’une voiture thermique par une voiture électrique pour en faire la même chose qu’avant n’est pas souhaitable, et n’est pas une solution au problème de l’effet de serre et du changement climatique« .
Interrogeons fondamentalement notre rapport à la voiture : qu’est-ce qu’on en fait réellement ? Pourquoi on l’utilise ? C’est la première chose à faire, justement parce qu’il y a tous ces enjeux-là et que l’enjeu de l’extraction des matières premières pour fabriquer des batteries pour faire des voitures électriques est en train de devenir un enjeu stratégique économique et industriel.
On observe que le prix des batteries a arrêté de baisser depuis un an avec un contexte international qui est compliqué, mais tout ça conduit à encore une fois prendre un tout petit peu de hauteur, un peu de recul, interroger qu’est ce que c’est qu’une voiture pour chacun de nous par rapport à nos vrais besoins de déplacement.
Il y a 60 ans en France, l’usage du vélo était beaucoup plus répandu que ce qu’il est aujourd’hui : du vélo utilitaire, du vélo mobilité et déplacements du quotidien, et effectivement on a une industrie automobile forte dans le pays, une culture automobile qui est parfaitement infusée et répandue, mais qui nous amène là où on est aujourd’hui dans notre relation à la voiture, dont on voit bien qu’elle n’est pas neutre.
En plus, elle a tendance à devenir de moins en moins inclusive, c’est-à-dire de moins en moins accessible à tous – économiquement au moins .
L’extrême défi de l’ADEME, c’est une initiative qui justement va traiter bien au-delà de la question technologique parce que les véhicules entre guillemets qu’on qualifie d’alternatifs, il en existe déjà ; il suffit de constater dans toutes les grandes villes aujourd’hui l’engouement pour les vélos cargo.
On trouve des vélos cargo aujourd’hui dans les grandes surfaces de sport, qui permettent d’emporter soit une charge importante soit deux ou trois enfants avec soi et de les emmener à l’école avec.
Donc ça commence à se diffuser, il y a effectivement un enjeu considérable sur l’infrastructure et la culture du partage de cette infrastructure.
Aujourd’hui la route n’est pas le domaine réservé des voitures, on n’achète pas la route quand on achète une voiture, et théoriquement la route doit être partagée entre tous ces usagers, qu’ils soient cyclistes, motards, automobilistes, voire piétons avec un minimum d’aménagement.
Donc ça pose de nouvelles questions qui font partie clairement de des questions qu’on traite dans l’Extreme Defi, avec notamment l’implication de territoires où on va expérimenter ces véhicules, où on va essayer de rassembler le triptyque: le véhicule, un utilisateur motivé pour expérimenter et un territoire dont la responsabilité et la motivation vont être de comprendre et adapter l’offre d’infrastructures.
Il faudra voir quelles sont les conditions à assurer pour que ce triptyque fonctionne et qu’il parviennent à piquer des parts de marché de déplacement à la voiture.
Donc le sujet est complexe, il est fortement connoté comportement comme tu l’évoquais tout à l’heure parce qu’il faut prendre la décision de monter dans un engin comme ça, alors que ça fait 40 ou 50 ans qu’on nous explique que la voiture nous protège et que plus elle est lourde et plus on est en sécurité.
Et puis il y a plein d’airbags, il y a le freinage automatique maintenant, il y a la ceinture de sécurité et c’est indéniablement des choses qui ont fait des progrès en termes de sécurité passive, mais à un point tel qu’aujourd’hui on a dépassé cet aspect à des choses pour en arriver à des voitures… Il s’est vendu l’année dernière en France des voitures qui pesaient plus de 2,5 tonnes !
2500 kg pour transporter statistiquement entre une et 1,5 personnes… donc voilà on en revient à l’interrogation de notre relation à cet objet et toutes les représentations qu’on met derrière.
L’Extrême Défi va aller examiner cet aspect là très comportemental, très sciences humaines et sociales, et pas du tout sous l’angle technologique qu’on sait faire – il y a il y a plein de solutions pour fabriquer des véhicules entre le vélo et la voiture.
Un deux roues peut-être carrossé, peut-être simplement assistance électrique, voilà c’est un truc où on puisse mettre les enfants et les courses, et qui donne moins peut-être l’impression d’être de demander de fortes compétences qu’un vélo cargo qui est impressionne les novices.
Là encore comme toujours, il faut l’expérimenter pour se faire une idée, c’est comme pour la voiture électrique.
D’ailleurs, beaucoup de gens réticents à la voiture électrique sont convertis à partir du moment ils ont l’occasion d’en essayer une fois : parce que c’est simple, c’est silencieux, c’est efficace, parce que c’est performant, parce que ça coûte pas cher à l’usage, mais ça change les habitudes et on sait combien changer d’habitude c’est compliqué.