Et allez, c’est reparti. On n’est même pas encore en été, et on a déjà droit au festival des mauvaises nouvelles.
38.8 degrés Celcius à Cordoue, Espagne, un jamais-vu pour un mois de mai.
Cordoue, je connais bien. J’y ai passé un mois de stage, en 2006, au service informatique de la mairie de Cordoue. Gros horaires : 8h30, pause pain & huile d’olive au café du coin à 10h, fin de la journée à 15h. Après, il fait trop chaud.
De 15h à 20h : la sieste. Pas la petite sieste sympa, mais la sieste écrasante de 5h de laquelle tu as du mal à t’extirper, tellement il fait chaud, chaud, chaud. Et puis après, la soirée, c’est jusque tard dans la nuit.
Mais ça, en 2006, c’était en plein mois de juillet. Quand il fait 45°C dans les rues, thermomètre à l’appui, et que tu sens l’air chaud qui pèse tout autour de toi, comme si tu marchais dans de l’eau.
Quelle a été ta réaction, lorsque tu as appris cette nouvelle ? As-tu toi aussi essayé de bloquer au mieux cette montée d’angoisse, au niveau du sternum ; de penser à autre chose, vite, pour qu’elle reparte ?
De bloquer la petite voix qui dit « on n’agit pas assez vite », « on n’y arrivera jamais », ou encore « je ne peux rien y faire » ?
« Je ne suis qu’une petite poulette bio », dit la poule, personnage principal de la BD « L’éco-anxiété ne passera pas par moi »
Et toi, face au changement climatique, te sens-tu comme une petite poulette bio ? Pas assez haut·e, pas assez costaud·e, pas assez sachant·e : impuissant·e face à ce phénomène.
Comme quand tu étais enfant. Quand on est enfant, on ne sait jamais comment réagir, on n’est pas très grand, pas très fort, on n’a pas le pouvoir de décider, on ne peut rien faire. Alors, une fois devenu adulte, s’il y a bien une sensation que l’on déteste, c’est l’impuissance.
La conduite la plus facile, évidemment, c’est d’oublier tout ça, de passer à autre chose, et de ne plus y penser. Voire, d’entrer dans un déni complet. Je dis toujours que les climato-sceptiques les plus fervents sont ceux que le changement climatique angoisse le plus.
Mais toi, si tu lis ces lignes, c’est que tu es déterminé·e à affronter la réalité du changement climatique.
Mais peut-être qu’aujourd’hui, te sentant totalement impuissant·e face à ce phénomène, tu te sens figé·e, paralysée (cf l’article Les 3 profils de l’éco-anxiété).
Alors, j’entends souvent que le remède à l’éco-anxiété, c’est l’action. Ce n’est pas vrai. Il manque une étape.
Le remède à l’éco-anxiété, c’est la fin de l’impuissance : c’est de retrouver la confiance dans sa capacité d’action. La fin de l’éco-anxiété paralysante, c’est ce qui permet l’action. Pas l’inverse.
Et bien souvent, ce qui paralyse, c’est de ne pas voir la porte de sortie. C’est de ne pas détenir LA solution qui règlerait le problème.
La 1ère école, c’est ceux qui ont trouvé LA solution.
« L’éco-anxiété, c’est une merveilleuse connerie », a déclaré l’économiste Frédéric Lordon dans cette vidéo. « Si on vous met sur les bras un problème un péril vital dont vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’il faudrait faire pour le parer, alors effectivement votre psyché est mise à rude épreuve. »
« Alors forcément, je ne suis pas éco-anxieux, puisque j’ai une idée de quoi faire : renverser le capitalisme. Ne soyez plus éco-anxieux, soyez éco-furieux ! »
Devenir éco-furieux, un beau programme que je recommande à toutes et tous ! Mais si Frédéric Lordon peut se sentir éco-furieux (autrement dit dans l’action), c’est bien parce qu’il n’est pas dans l’impuissance : puisqu’il pense détenir la solution au problème !
Personnellement, j’ai aussi cru pendant longtemps que LA solution au problème existait. J’ai milité 10 ans en politique, car je pensais que la politique réglerait le problème (il suffit que les écolos arrivent au pouvoir et hop ! problème réglé !). Sauf que…
Ayant perdu la foi dans la politique, j’ai milité dans l’associatif. Ce que la politique ne peut, la société civile le pourra ! Sauf que… sans pouvoir politique, le pouvoir associatif est en fait très limité. Et ainsi de suite…
Alors, il y a une 2ème école. Pour comprendre mon approche, je vais te raconter une anecdote.
Quelques mois après mon 2ème accouchement, j’allais deux fois par semaine avec bébé chez la kiné pour ma rééducation abdominale, dans un cabinet médical.
Ce cabinet médical, il était terrible, car sa porte d’entrée était régie par un mécanisme à ressort qui permettait à la porte de se refermer toute seule, certes, mais qui était très difficile à ouvrir.
A toutes les séances, je mettais mon dos contre la porte et je poussais de toutes mes forces pour arriver à l’ouvrir en entier, pour faire passer la poussette.
Mais cette porte, qui s’ouvrait facilement jusqu’aux deux-tiers environ, opposait ensuite toute sa résistance : plus j’essayais de l’ouvrir, plus elle résistait.
Elle m’énervait tellement que je poussais de plus en plus fort, de séance en séance (ce qui ne marchait pas mieux).
Tu l’auras compris, j’étais totalement exaspérée par mon impuissance à ouvrir cette porte en entier.
Arrivée à la fin des séances, je me suis dit : « oh, je laisse tomber ». J’ai enfin accepté de n’ouvrir la porte que dans la limite de mes capacités. Et tu sais quoi ? Ma poussette passait très bien quand même.
Tu n’as pas besoin de détenir LA solution pour sortir de l’impuissance. Cette croyance est au contraire un piège : je lis partout sur internet des témoignages de personnes qui retombent dans l’éco-anxiété après avoir tout testé, sans que rien ne marche à la hauteur de leurs espérances.
« Moi, pour aller mieux, je me suis replacée à mon échelle individuelle… Je ne suis qu’une petite poulette bio, je fais du mieux que je peux ! ». Voici la phrase complète de la poule dans la BD citée un peu plus haut.
Tu ne détiens pas la solution, mais ton action, si elle est efficace, est utile. Déjà, parce que c’est TON action qui va montrer le chemin à ceux de ton entourage qui n’ont pas le même niveau de conscience que toi.
Il fait 38.8 à Cordoue en Mai, certes, mais si tu fais de ton mieux, alors tu n’as rien à faire de cette information. Cette information, elle est utile pour ceux qui n’ont pas encore compris les enjeux du réchauffement climatique, mais pas pour toi.
Tu peux agir. Et tu n’as pas besoin d’ouvrir la porte en grand pour faire passer ta poussette.
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Ce qui est anxiogène, c’est aussi de se dire qu’on essaye de faire au mieux, mais qu’au niveau plus haut, il ne se passe rien. On a l’impression alors que nos actions sont des pipis de chat. Cependant, il faut regarder le monde de son point de vue et tenter de se sentir mieux, en faisant ce qui nous fait du bien, ce à quoi l’on croit. Il faut être en accord avec le monde qu’on veut. Merci pour ces articles, c’est également en collaborant qu’on s’en sortira (et si on ne s’en sort pas, tant pis, on aura essayé).
Merci beaucoup pour ton point de vue !