Qu’est-ce qui émet le plus de gaz à effet de serre dans notre vie quotidienne ? Par où commencer lorsqu’on veut réduire son empreinte carbone ? Qu’est-ce qui a le plus d’impact ? Benjamin Boisserie, Chef de Projet à l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC), répond aux questions les plus fréquentes des lectrices et lecteurs de ce blog ! L’interview est disponible en vidéo et en retranscription texte ci-dessous.
Floraine Cordier, Coach CO2 : Bonjour à tous !Aujourd’hui je reçois Benjamin Boisserie, chef de projet à l’Association pour la transition Bas Carbone. L’Association pour la transition Bas Carbone est le partenaires de l’ADEME dans le simulateur de référence Nos gestes climat qui a été utilisé plus de 1 million de fois à ce jour. Benjamin est-ce que tu peux te présenter en quelques mots s’il te plaît ?
Benjamin Boisserie, Chef de Projet à l’ABC : Bonjour à tous. Je travaille à l’Association pour la transition Bas Carbone depuis maintenant plusieurs années, notamment sur la question de la méthodologie du simulateur Nos gestes climat.
Je travaille donc sur le calcul de votre empreinte carbone et les actions qu’on propose, et le chiffrage de ces actions pour vous engager dans la transition.
F.C. : Merci Benjamin. Alors autant dire que tu en connais un rayon sur tous les détails du calcul de votre empreinte carbone, et ça ça tombe bien, parce que c’est vrai que nous les particuliers, on est souvent un peu perdu pour savoir ce qui émet le plus de CO2 dans notre vie quotidienne. Alors on entend beaucoup parler par exemple de l’empreinte carbone du numérique, est-ce que tu peux nous dire ce qui émet le plus dans notre empreinte carbone, dans notre vie quotidienne ?
B.B. : Donc ce qui ce qui émet le plus… alors le numérique on y reviendra, mais ce n’est pas pour l’instant le poste le plus important. Vraiment, ce qui drive notre empreinte carbone, ce sont l’alimentation, notamment porté par la consommation de viande, les transports, là aussi drivés par notre usage de la voiture au quotidien, et les déplacements en avion pour une certaine partie de la population.
Vient ensuite le logement, qui est là drivé par l’énergie qui sert de chauffage, de cuisson et d’eau chaude sanitaire notamment le gaz et le fioul, qui sont deux vecteurs énergétiques extrêmement émetteurs.
Ensuite on a tout ce qui est les biens d’équipement. Donc on va retrouver ici le numérique pour lequel il va y avoir une une part significative au sein de ce poste « équipements », mais voilà il faut intégrer dans le poste « équipements » tout l’électroménager, tous les produits électroniques aussi, une part de de vêtements, de biens mobiliers, qui à eux seul représentent quand même un poste significatif.
Alors, pas forcément autant que le logement, l’alimentation et les transports, mais il ne faut pas les oublier parce que ça peut représenter parfois pour certaines personnes, presque un quart de leur empreinte ! Ça va varier en fonction des profils.
Et puis derrière on a un dernier poste qui pourrait être les services publics, ou services sociétaux. C’est ce qui fait la société dans son ensemble, que tout le monde utilise plus ou moins au cours de sa vie et qui permet à la société de fonctionner : éducation, santé, administration, juridique, mais aussi banques et assurance.
Voilà donc alimentation, transport, logement, équipements dans leurs ensembles, et services publics, qui est un peu notre empreinte collective divisée par 67 millions de français.
F.C : Voilà, merci beaucoup Benjamin, c’est très clair ! Alors ce qui est bien avec le simulateur nos gestes climat, c’est que ça ne se contente pas de calculer notre empreinte carbone, mais que ça nous donne aussi une liste d’actions à entreprendre, qui est en plus est personnalisée en fonction de nos réponses. Moi je reçois beaucoup de questions sur: » quelle est l’action décisive à mettre en oeuvre ? », « c’est quoi l’action avec un grand A ? », « quelle est la priorité des priorités ? », voilà les gens se posent beaucoup de questions sur « par quoi commencer », « qu’est-ce qui a le plus d’impact », etc. Est-ce que tu peux nous en dire plus là dessus ?
B.B. : Ce qui a le plus d’impact va un peu dépendre de votre « profil », c’est à dire si votre poste le plus émetteur est l’alimentation ou le transport ou votre logement, donc c’est pour ça qu’il faut prendre, plutôt une action par poste. Si je dois essayer de les passer en revue :
Pour l’alimentation, le plus impactant et l’action la plus significative va être la réduction de la consommation de viande notamment de viande de boeuf parce que c’est une viande qui en elle-même génère beaucoup plus d’émissions que d’autres viandes, comme les volailles et le porc, parce que l’élevage en lui-même est très générateur de gaz à effet de serre.
L’élevage de ces viandes génère du méthane, qui est un gaz qui a un pouvoir réchauffant 30 fois supérieur à celui du CO2, et d’ailleurs l’élevage en France représente quasiment 20% des émissions françaises donc c’est quelque chose qui est très émetteur et participe très fortement à notre empreinte carbone individuelle sur le volet « alimentation ».
C’est pour ça que réduire vraiment la consommation de viande est extrêmement significatif. Si c’est trop dur dans un premier temps vous pouvez essayer de changer les apports carnés, remplacer une viande rouge par une viande blanche, pour aller dans une deuxième temps, ça c’est certain, vers une réduction de la consommation de viande.
Pour le transport, il va y avoir une différence de profil selon que les émissions du transports soient drivées par l’usage de la voiture individuelle ou par l’avion.
Pour la voiture, se pose la question de réussir à se passer de la voiture individuelle. C’est là où le rôle d’une société, des pouvoirs publics et des collectivités est très important, car ce choix-là est aussi dépendant des infrastructures qu’on a à disposition.
Il est très difficile de se passer de la voiture si on n’a aucun transport en commun efficace, aucune ligne cyclable sécurisée. Donc un grand driver de notre impact, c’est la voiture individuelle, mais c’est drivé par l’environnement sociétal et technique dans lequel on vit.
Pour d’autres ça va être arrêter complètement ou réduire l’utilisation de l’avion. Nous on donne souvent un ordre de grandeur qui est que l’objectif à atteindre un terme d’émission c’est 2 tonnes de CO2 par an et par exemple un aller-retour Paris-New York c’est 1,8 t.
Donc imaginons un aller-retour Paris New York dans une année, ça vous laisse on va dire 200 kg de CO2 pour vous nourrir, vous déplacer, acheter des biens d’équipements, avoir des loisirs, et en plus en incluant la part des services publics dont on a parlé, ça rentre difficilement.
Donc voilà l’avion participe à faire un peu exploser l’empreinte carbone individuelle, mais ce n’est pas une pratique généralisée de prendre l’avion couramment, donc c’est pour ça que en fonction des profils, ça va soit se tourner vers la voiture individuelle, donc la réduction de son usage, ou vers la réduction de l’avion vers des usages alternatifs à l’avion lorsque c’est lorsque c’est possible.
Voilà ensuite on arrive sur logement, le plus grand driver c’est le vecteur énergétique qu’on utilise pour pour se chauffer, le gaz et le fioul étant les vecteurs énergétiques les plus émetteurs de gaz à effet de serre, donc qui contribue le plus à notre empreinte carbone.
Là encore, ce n’est pas qu’un choix purement individuel de changer, si on veut changer son système de chauffage, c’est quelque chose qui coûte cher donc on a besoin d’aides, de financement, donc c’est une réflexion qui ne sort pas du jour au lendemain, donc il y a vraiment ici une réflexion aussi à l’échelle de la société pour engager tout le monde vers ce changement.
Il ne faut pas oublier aussi une part très importante dans le logement qui est la qualité, la performance énergétique de nos logements. Pour expliquer ça un peu plus trivialement, ça serait à quel point nos logements sont bien ou mal isolés, et il faut savoir qu’en France, nos logements ne sont pas des plus exemplaires, on a de très nombreuses passoires thermiques.
Ces passoires thermique participent en fait à avoir une consommation d’énergie supérieure, et donc si cette consommation d’énergie, de surcroît, s’effectue avec du gaz ou du fioul, eh bien évidemment on a une empreinte carbone qui explose.
Mais là encore, rénover énergétiquement son logement ou changer son système de chauffage, ce sont des choses qui coûtent très cher et pour lesquels les ménages, les individus, ont besoin d’aides, parce que ce sont des investissements assez lourds à l’échelle individuelle.
Concernant les biens et les services des équipements, on va trouver là-dedans évidemment toutes les fournitures, des meubles, canapé, literie, on va trouver tout ce qui est vêtements, on va trouver aussi surtout l’électroménager et l’électronique.
C’est très souvent la fabrication qui représente une part très significative de leur empreinte carbone. Pour prendre par exemple l’exemple d’un ordinateur ou d’une télé, ça va être 80 % ou 85 % de l’empreinte qui va être liée juste à la phase de fabrication.
C’est pourquoi leurs achats participent très fortement, notamment si on renouvèle fréquemment ces équipements.
Le Service Public, quant à lui, il est amené, dans une transition globale, à la fois des individus et de la société, à se réduire.
Donc là il est à peu près autour de 1,4 tonnes de CO2eq. On peut espérer que au fur et à mesure, l’Etat faisant aussi son chemin sur la transition bas carbone, les entreprises également, que derrière on se retrouve avec un poste service public qui devienne compatible avec l’objectif des 2 tonnes. Mais ça c’est vraiment un changement collectif, une dynamique de long terme qui aussi va s’instaurer mais prend beaucoup de temps.
F.C. : ok merci beaucoup Benjamin. On a bien compris que donc déjà, ça dépend de chaque profil, et puis on a des grosses actions à mettre en œuvre, effectivement, si on veut réduire notre empreinte carbone d’une moyenne aujourd’hui d’à peu près 9 tonnes, vers les deux tonnes de CO2 qui seraient nécessaires pour arrêter d’aggraver le changement climatique.
Est-ce que tu pourrais nous en dire plus maintenant sur l’Association pour la transition Bas Carbone dans laquelle tu travailles, et son rôle dans nos gestes climat notamment ?
B.B. : oui alors l’Association pour la transition Bas Carbone c’est une association qui a vu le jour en 2011, portée notamment par l’ADEME et ce qu’on appelle les associations des professionnels du climat, pour développer la méthode du bilan carbone.
La méthode du bilan carbone, c’est une méthode pour compter les émissions de gaz à effet de serre, en 2011 c’était à l’échelle des organisations, c’est-à-dire réussir à faire en sorte que les entreprises aient une méthode pour compter de manière fiable les émissions qu’elles participent à émettre.
De fil en aiguille, l’association a continué de vivre et, il y a de ça quelques années maintenant, on a fait un peu muter notre modèle associatif pour se tourner vers l’intérêt général, et c’est en ce sens qu’on a décidé de ne plus essayer de parler uniquement aux organisations mais également aux citoyens.
Donc on a porté le projet Nos gestes climat avec nos partenaires DATAGIR, qui est une émanation au sein de l’ADEME. On a travaillé aussi avec les collectivités. On va travailler avec les universitaires, les scolaires, pour essayer de sensibiliser aux enjeux de la comptabilité carbone.
Nos enjeux de la transition que nous on appelle bas carbone, donc c’est de faire transitionner la société, à la fois des individus, l’État, des collectivités, des entreprises, des universités, vers des modes de vie et des modèles économiques qu’on peut appeler beaucoup plus « soutenables ».
Ça c’est l’activité maintenant de l’ABC, qui est faite de plusieurs plusieurs branches tournées vers l’intérêt général, avec toujours comme objectif, quand même – on est une association plutôt technique – de mettre à disposition des outils pour que, dans le cadre de Nos gestes climats, les individus mènent à bien leur transition bas carbone.
Et ça, ça commence par avoir des ordres de grandeur en tête : quels sont les postes les plus émetteurs, quelles actions mettre en avant pour réduire significativement mon empreinte carbone. C’est le rôle de l’ABC justement de s’assurer de la cohérence du calcul de votre empreinte carbone et des actions qu’on vous propose à la suite de votre calcul d’empreinte.
F.C. : l’Association pour la transition Bas Carbone lance en 2023 un collège citoyen. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
B.B. : oui il faut savoir que jusqu’à maintenant l’ABC fonctionnait avec les adhésions de ses adhérents qui étaient des entreprises privées, des bureaux d’études, des collectivités, et d’autres ONG, associations, œuvrant pour l’intérêt général.
Depuis 2023, avec l’essor de Nos gestes climat, nous avons décidé d’ouvrir un collège citoyen à l’ABC dans le but de fédérer toutes les personnes intéressées pour porter autour d’elle le message de la transition individuelle, et devenir des vrais ambassadeurs de cette transition.
Donc l’ABC animera plusieurs fois dans l’année des sessions pour essayer de parler des grands enjeux de la transition individuelle, de mettre en avant aussi l’intérêt qu’a Nos gestes climat pour essayer de sensibiliser des personnes autour de soi : famille, collègues, ou même d’animer des ateliers vraiment grand public.
Voilà l’ABC va essayer en 2023 de faire émerger ce nouveau collège citoyen, pour être vraiment permettre aux individus qui le souhaitent d’être des ambassadeurs de la transition individuellepour justement se servir ce cet objectif global de transition bas carbone que mène l’ABC.
F.F : super, on a hâte de vous rejoindre ! Merci beaucoup Benjamin pour toutes ces informations j’espère que c’est désormais plus clair pour tout le monde ! Au revoir et à bientôt
Merci pour cette interview très intéressante !