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L’éco-anxiété

D’après un sondage Ipsos-Sopra Steria, 80% des Français se disent « inquiets au sujet de la protection de l’environnement et du changement climatique ». Cela revient à dire que 80% des françaises et des français sont éco-inquiets ! Eco-inquiets, mais pas forcément touchés par l’éco-anxiété. Pour tenter d’établir une classification des réactions d’éco-inquiétude, je te propose à la manière d’un test d’explorer les trois attitudes face à une situation stressante.

Devant un danger ou un stress, l’animal et l’être humain vont développer des réponses automatiques leur permettant de maximiser leurs chances de survie : fuir, combattre ou se figer (ce sont les « 3F » anglais : Flee, Fight, Freeze). Il n’y a pas de mauvaise ou de bonne stratégie : elles ont toute leur efficacité. Par exemple, un serpent va fuir à l’approche d’un humain, sauf s’il est acculé dans un coin, auquel cas il attaquera. La souris, elle, se figera pour que le chat la laisse tranquille.

Nous-même sommes amenés à utiliser ces différentes stratégies en fonction de la situation. D’après le Dr. Jacques Fradin, l’enchaînement se fait toujours dans l’ordre énoncé : fuite, combat, paralysie. Nous passons à la stratégie suivante lorsque notre instinct évalue que la stratégie précédente a peu de chances d’aboutir.

On retrouve ces trois stratégies dans notre manière de réagir au changement climatique. Alors, es-tu éco-précautionneux, éco-surmené ou éco-anxieux ? Et surtout, que faire en fonction de son profil ? A toi de te reconnaître dans les descriptions proposées !

L’éco-précautionneux·se

Fanny, 46 ans, m’indique qu’elle ne se sent pas atteinte d’éco-anxiété. Elle se définit elle-même comme étant « éco-précautionneuse ». Elle fait attention à l’environnement et s’est lancée dans une démarche zéro-déchets suite à un atelier. Fanny a également testé son empreinte carbone sur un simulateur. Elle constate que son entourage fait de plus en plus attention à l’environnement. « Les gens sont plutôt sensibilisés. On en parle, on s’échange des bonnes pratiques ». Fanny prend régulièrement l’avion pour partir en vacances. « C’est vachement compliqué de couper ça », avoue-t-elle. Son chauffage est au fioul mais elle a des doutes sur les pompes à chaleur et le chauffage au bois, ce qui la bloque pour passer à l’action.

« La fin du monde ? Je n’y pense pas trop » explique-t-elle. « Je ne me sens pas du tout culpabilisée. Je suis arrivée là par une démarche positive ». Elle constate pourtant avec regret « l’hypocrisie de notre société. On sait qu’il faut rouler à vélo et on vend des voitures ultra lourdes ». « Après tout, on n’est peut-être pas assez culpabilisés », réalise-t-elle. Elle aimerait que l’action publique oriente davantage les comportements des individus. « C’est fou qu’on ait le choix d’acheter des voitures aussi lourdes ! », s’exclame-t-elle.

Fanny est sensibilisée aux problématiques environnementales et passe à l’action lorsque cela lui semble à sa portée. Elle s’inscrit dans les tendances de la société et regrette avec amertume de n’être pas plus accompagnée dans les changements nécessaires.

1ère réponse automatique : la fuite

Lorsque quelqu’un entend parler du changement climatique et de sa perspective quasi apocalyptique, le stress généré engendre la première réponse automatique, celle de type « fuite ». Evidemment, il ne s’agit pas ici de prendre ses jambes à son coup ou de partir sur une autre planète avec ce cher Elon Musk. Il s’agit plutôt de fuir la mauvaise nouvelle. Pour cela, trois manières sont possibles : nier la réalité du changement climatique, minimiser son ampleur ou tout simplement éviter d’y penser dans sa vie quotidienne. Pour Fanny, l’écologie est une démarche positive, loin des sources d’inquiétude de type « fin du monde ». Sa capacité à mettre à distance les sources de stress l’amène cependant à se focaliser sur des petites actions et en oublier qu’elles n’ont quasiment aucun impact au regard de sources d’émissions beaucoup plus importantes comme ses vacances en avion et son chauffage au fioul.

Si tu es éco-précautionneux­·se

Tu as des mécanismes de protection efficace contre les sources de stress, et tu réussis en même temps à passer à l’action. Ton moteur d’action est la joie, ce qui te permet d’entraîner les autres avec toi dans un élan positif. Franchement, bravo !
Ton défi : après avoir gravi quelques collines, il va être temps de passer aux sommets des Alpes ! Autrement dit, d’utiliser une partie de ton énergie dans des actions à impact… plus efficaces mais aussi plus complexes… Pour te motiver à affronter les difficultés,  je t’invite à contourner en conscience ton super mécanisme de protection, en adoptant un « stress rationnel ». Tu peux par exemple lire le premier chapitre du livre de Cyril Dion, qui te redonnera les enjeux.  

Et pour t’aider à surmonter les obstacles, je t’invite à suivre ma chronique « Faire son chemin – Objectif 2 tonnes de CO2 », un coaching collectif pour surmonter toutes les difficultés du chemin vers un mode de vie soutenable. La chronique « A contre courant » te montrera aussi des exemples inspirants de gens ordinaires qui vont au-delà de ce qui est facile de faire aujourd’hui. Pour affronter les difficultés, on se motivera mieux à plusieurs !

L’éco-surmené·e

Chloé, 35 ans, a vécu une prise de conscience brutale vis-à-vis de la catastrophe écologique, en visionnant le film « En quête de sens ». « Ca me brasse. Je prends une claque écologique, se souvient-elle ». Depuis, elle se renseigne beaucoup, lit des livres, voit des films. Mais elle en est encore au stade des « petites actions ».  Alors, elle se prend en main et décide de changer d’échelle. Elle commence par changer de travail. « J’étais chef de projet dans une grosse boite. Il y avait beaucoup de gaspillage, des difficultés à faire bouger les lignes. J’avais envie d’être utile ». Elle se reconverti dans une structure financée par un programme de l’Etat où elle fait de l’accompagnement au changement de comportement, dans le domaine de la mobilité durable.

Elle agit également pour atteindre un mode de vie soutenable au quotidien, avec son conjoint et son fils. « J’ai la calculette CO2 dans la tête car c’est mon boulot ! ». Elle connaît la théorie, sait ce qu’il faudrait faire. Mais elle se heurte à ce qu’elle appelle « la puissance de la norme sociale ». « Mon rêve de gamine, c’est d’avoir une maison. Ce n’est pas cohérent. Il faut arriver à vivre avec cette incohérence. Aujourd’hui j’en suis dans la phase où je me dis “arrête de t’en vouloir parce que t’as décidé de d’acheter un tee-shirt !“ ». Des succès, elle en a aussi, et des gros. « On a complètement arrêté de prendre l’avion. Ce choix-là, on l’a fait, il nous a coûté, mais on peut être fier de nous ! Il faut qu’on apprenne à célébrer nos propres victoires ».

2ème réponse automatique : le combat

Chloé fait partie de ceux que j’appelle les « éco-surmenés ». Pour elle, il n’y a plus de déni possible, elle est trop bien renseignée. Sa capacité à imaginer l’avenir lui permet de se projeter dans les scénarios catastrophes dessinés par le GIEC, et l’oblige à réagir. Devant un danger, sans fuite possible, sa réponse automatique est le combat. Pas question de baisser les bras : si tout le monde agit alors on s’en sortira ! C’est cette confiance en notre capacité d’action qui lui permet d’éviter de tomber dans l’éco-anxiété, malgré une prise de conscience extrêmement forte. Chloé agit dans son nouveau travail et dans son quotidien.

On retrouve également dans cette catégorie les militants associatifs ou politiques qui œuvrent pour une société plus écologique. Les éco-surmenés n’échappent cependant pas toujours à l’anxiété, lorsqu’ils réalisent que leurs actions ont peu d’impact ou que trop peu de personnes se mobilisent autour d’eux.

Si tu es éco-surmené·e

Tu prends tes responsabilités face à ce défi collectif et tu t’investis du matin au soir, dans ton travail, dans ta vie personnelle et dans ta vie militante, dans l’espoir de faire bouger les choses. Clairement, tu mérites une médaille !
Ton défi : tout d’abord, garder ton énergie. La prise de conscience t’a forcé à commencer un sprint, il faut maintenant passer sur une course de fond pour tenir dans la durée. On commence à parler du « burn out militant » : n’oublie pas de prendre soin de toi, pour mieux t’occuper de la planète ! Au programme : respirations, pauses, périodes de repli entre deux périodes d’action. Tu risques également de t’épuiser si tu n’arrives plus à trouver du sens à ce que tu fais, que tu as toujours l’impression de ne pas faire assez, de ne pas avoir trouvé LA solution. Et ce, alors que tu portes déjà tellement sur tes épaules !

Réserve-toi des moments dédiés à la remise en question, par exemple une fois par an, mais pas plus : cela suffira largement. Tu pourras aussi trouver dans le développement personnel des réponses pour gérer ce sentiment terrible d’impuissance et de perte de contrôle.

Enfin, tu éprouves peut-être parfois des difficultés à embarquer les autres dans ton action. Il y a de fortes chances pour que ton moteur, aujourd’hui, soit la colère. Un travail sur toi peut te permettre de changer de moteur : la joie est tellement plus efficace pour embarquer les autres ! Plus facile à dire qu’à faire : je t’invite donc à suivre ma chronique « Vivre avec », qui parlera de toutes ces thématiques.

L’éco-anxieux·se

Guillaume, 38 ans, s’est reconnu dans la définition des solastalgiques et de l’éco-anxiété. Il « se sent paumé » devant la complexité du sujet. « Quel est mon bilan et les ordres de grandeur ? Par où je commence ? Comment je mets en pratique ? ». L’ampleur de la tâche le décourage d’emblée.  « Pour passer de 10 tonnes à 2 tonnes… diviser nos émissions par 5, c’est juste énorme… » Guillaume ne se voit pas « activiste » et n’est « pas prêt à tout lâcher ». « Qu’est-ce que je peux faire sans aller élever des chèvres ? », se demande-t-il. Surtout, il se sent seul. « C’est dur d’en parler aux amis, ça a un côté tabou ».

Laetitia, 33 ans, vit très mal la situation. « Depuis le dernier rapport du GIEC, et à chaque reportages sur la nature, je m’effondre en larmes. J’ai même des crises d’angoisses ». Alors, elle se fait accompagner pour tenter de surmonter ses difficultés. « Ma psy a diagnostiquée que j’étais atteinte d’éco-anxiété, mais elle n’a pas vraiment de solutions à me proposer hormis couper les actualités sur l’environnement…». Les interactions avec son entourage s’avèrent encore plus décourageantes : « ma famille ne comprend pas vraiment pourquoi je suis dans cet état-là ». « Je me sens démunie », conclue-t-elle.

3ème réponse automatique : la paralysie

Se figer, voilà la dernière réponse à un danger lorsque les stratégies précédentes ont échoué. A l’instar de l’éco-surmené, l’hypersensibilité et l’hyper-empathie de la personne touchée par l’éco-anxiété ne lui laissent pas d’autres choix que de se projeter dans les pires scénarios de catastrophe climatique, comme s’il y était. Le déni n’est pas possible. La différence avec l’éco-surmené se situe dans l’évaluation des marges d’actions. Si la souris se fige dans les pattes du chat, c’est bien qu’elle sent instinctivement qu’elle n’a aucune chance de gagner si elle attaque le chat.

L’éco-anxieux se sent lui aussi pris au piège face à une montagne gigantesque. Où commencer quand il y a tant à faire ? Est-ce que ça sert à quelque chose d’agir ou est-on fichu de toute façon ? Comment espérer que l’on va y arriver alors que la plupart des personnes de l’entourage ne montre aucun signe de conscience de la gravité de la situation ? Ce questionnement incessant génère un terrain anxieux qui s’alimente à la moindre information inquiétante.

Parfois, il vient bloquer le passage à l’action. Parfois, c’est l’action qui alimente encore plus l’anxiété, en améliorant la compréhension de la situation et en augmentant le décalage avec l’entourage. Le sentiment de solitude augmente la sensation d’impuissance face à la situation et peut amener la personne atteinte d’éco-anxiété à se détacher de ses amis.

Si tu es éco-anxieux·se

Tous tes sens à l’affût perçoivent le danger réel de la menace climatique. Tel Cassandre, ta clairvoyance est exceptionnelle, mais autour de toi, peu sont capables de te comprendre. Tu es une véritable boussole : continue à l’être, peut-être que ton entourage finira par comprendre que tu pointes le Nord !
Ton défi : retrouver confiance en l’avenir. Le pire n’est jamais certain ! Et les capacités d’adaptation et de résilience de l’être humain sont immenses. Se mettre en mouvement, rencontrer des personnes dans l’action, s’engager dans une démarche collective, pourra te permettre de constater que le monde bouge. Je t’assure !

Ensuite, il te faudra apprendre à vivre dans le présent, en y faisant ta part, sans te projeter en permanence dans un futur terrifiant. Apprendre à connaître et à accepter les limites de ta capacité d’action et à lâcher prise sur ce qui n’est pas de ton ressort.

Pour sortir du terrain anxieux et de ses conséquences sur ta santé, une discipline de fer te sera nécessaire : du sport plusieurs fois par semaine, une alimentation équilibrée, et une bonne dose de sommeil toutes les nuits. En voilà des challenges ! Pour t’y aider, je te propose de suivre ma chronique « Vivre avec », comme dans « vivre avec la catastrophe qui se prépare ». Rester serein envers et contre tout, c’est possible.

Au-delà de ces réponses automatiques « fuite-combat-paralysie », il existe une 4ème voie : la voie de l’éco-insouciance.

« Faire le maximum, faire de son mieux,
en sachant que l’avenir ne nous appartient pas »

David semble avoir trouvé cette 4ème voie. Il poste sur son mur Facebook : « Plutôt que de subir une angoisse sur un futur qui fait peur[…], accepter en quelque sorte l’inéluctabilité (l’avenir ne nous appartient pas) pour avoir une action juste et libérée ». Pour David, nous sommes « un animal doué d’abstraction, de capacité d’anticipation. Donc, il nous faut dompter notre besoin de maîtrise. ». « Les enfants », ajoute-t-il, « arrivent bien à vivre ce présent, c’est naturel chez eux. On appelle ça l’insouciance, mais c’est plus particulièrement l’absence du besoin de maîtrise du futur qui les caractérise. »

Et David, comment fait-il ? « Au présent, je fais de mon mieux, je vis l’instant, je cherche le plaisir tempéré. […] Quant à ce qui me préoccupe naturellement au sujet de l’avenir, je le relativise, car je sais que je ne maîtrise pas le futur. Je n’essaye pas comme c’est la mode de chasser toutes les mauvaises pensées sur le futur, ou de noyer le futur. Non, je les accepte… puis j’accepte de n’avoir pas les clés de l’avenir. »

« Je valorise cette normale préoccupation du futur, je la laisse m’inspirer une ligne de conduite, une dignité du présent, un ensemble de valeur, d’attitudes, d’actes, de manière de vivre le présent en adéquation, tout ou partie, autant que faire se peut, avec ce qui me préoccupe dans le futur. Et en retour cette ligne de conduite ne doit pas déborder la conscience du fait que je ne maîtrise pas l’avenir, que la fin de l’histoire ne m’appartient pas. Faire le maximum, faire de mon mieux, en sachant que le résultat, l’avenir, ne m’appartient pas. »

D’un côté, vivre en conscience des bouleversements en cours, vivre avec, sans se torturer à chaque instant. De l’autre, passer à l’action, faire son maximum. Voilà qui fait rêver ! Atteindre l’éco-insouciance, c’est bien l’objectif de ce blog.

Et toi, dans quel profil te reconnais-tu ? Laisse-nous ta réponse en commentaire !

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